en-avant-la-psychomotricite

en-avant-la-psychomotricite

Psychomotriciens, orthophonistes, kinésithérapeutes et ergothérapeutes... Quelles différences ?

Etant donné (vous l'aurez compris) que je suis psychomotricienne, je vais partir de ma profession...

 

Comme le kiné nous participons à la rééducation motrice,

Comme l'orthophoniste nous favorisons la communication,

Comme l'ergothérapeute nous aidons nos patients à être adaptés dans leur environnement.

 

"Heu... Donc la psychomotricité c'est une discipline qui fait le métier des autres ?"

C'est vrai que vu comme ça c'est ce que les parents, patients ou même les autres professionnels de la santé pourraient croire mais en fait il s'agit de complémentarité entre toutes ces professions.

 

Mais :

Lorsque le kiné travaille sur la récupération de l'amplitude du mouvement ou sur la force musculaire nous axons le suivi sur la détente musculaire et la confiance en soi.

Plus de concret ? Mr H, hémiplégique suite à un AVC (accident vasculaire cérébral), suit une rééducation de la marche.

La spasticité (si si vous connaissez ces gens avec une drôle de démarche  qui ont un pied qui semble vouloir faire un croche-pied à l'autre et le bras ipsilatéral (du même côté quoi) qui est replié avec le poing serré et tourné vers l'intérieur... la spasticité, c'est cette contraction musculaire); la spasticité, donc, entrave la marche mais en plus, Mr H a passé de long mois alité sans se déplacer.

Mr H a donc perdu de la masse musculaire et la spasticité ne va pas l'aider... on peut imaginer que Mr  appréhende de recommencer à marcher et trouve son fauteuil roulant plutôt confortable.

Kiné et psychomotricien vont donc travailler ensemble pour aider Mr H à retrouver une marche autonome.

Le kiné va lutter contre la spasticité par des étirements et favoriser la récupération de la force musculaire par des exercices physiques (j'ai envie de dire sportifs, en effet, la rééducation est digne de la préparation des plus grands champions).

Cette prise en soin est indispensable à la récupération de la marche, cependant, le psychomotricien peut aider le kiné dans son travail en aidant la détente musculaire mais aussi en axant sa prise en charge sur la revalorisation des capacités de Mr H et en lui donnant confiance et envie de quitter son fauteuil roulant.

Comment ? Par la relaxation, le psychomotricien va aider Mr H à se détendre dans tout son corps sans s'occuper directement du membre spastique. Au contraire même : Mr H est spastique à droite ? Le psychomotricien va mobiliser passivement le côté gauche! Étrange? Non : toutes nos parties corporelles communiquent les unes avec les autres. Essayer de détendre votre bras gauche en contractant le droit, vous verrez comme cela est difficile. Mais si votre bras droit est "bloqué" dans sa contraction (spastique), il sera plus facile de détendre le gauche en le mobilisant... et si la contraction musculaire a tendance à se propager dans le reste du corps, il en va de même pour la détente! 

En aidant Mr H à détendre son bras gauche (celui qui va "bien"), cela va impacter positivement sur le droit. 

Ici, le psychomotricien se base donc sur des connaissances scientifiques physiologiques, pour le deuxième axe de la prise en charge, il va s'aider de ses compétences psychologiques.

Mr H, rappelez-vous, est dans son fauteuil roulant depuis plusieurs mois. Il a fait face au regard de l'Autre (ce regard qui le dévalorise tous les jours!) et a récupéré une certaine autonomie. 

Le psychomotricien va d'abord comprendre que ce fauteuil est contenant pour Mr H (comprenez rassurant), il s'y est habitué et commence même à l'apprécier puisqu'il peut (enfin!) se déplacer seul dans les couloirs (et quitter la chambre qu'il habite depuis 3 mois 24h/24!). En plus, Mr H voit bien qu'il a "perdu" ses muscles, il voit qu'il n'est plus le même homme dans les yeux de ses proches, de toute façon il n'est plus bon à rien et aurait préféré mourir! (Là certains diront "où est le psychologue?" mais Mr H, comme beaucoup de sa génération pense que l'on voit un "psy" que si l'on est fou... Il est donc hors de question d'aller voir ce thérapeute).

Le psychomot' va donc proposer des séances contenantes sans le fauteuil, par exemple en balnéothérapie. Il va également s'attacher à montrer les capacités psychomotrices de Mr H ainsi que ses progrès pour le revaloriser (peut-être même arrivera-t-il à l'orienter progressivement vers un psychologue!)... Peu à peu, Mr H va se battre : il aura envie de marcher, il va croire en lui et il va y arriver (le corps et l'esprit vous vous souvenez?)

 

Lorsque l'orthophoniste aide son patient à articuler et/ou à former correctement des lettres le psychomotricien favorise l'expression verbale et corporelle (dire des choses avec des mots ou le corps sans s'attacher à la prononciation) et/ou permet le graphisme en amont en aidant le bon déroulement des mouvements amples puis plus précis (pour l'aspect moteur) et en donnant envie à son patient de laisser une "trace" (pour l'aspect psychique)... 

S, 8 ans, présente d'importants troubles articulatoires et se renferme sur elle-même : l'orthophoniste va travailler sur l'articulation et va probablement s'appuyer sur la méthode Borel-Maisonny (gestes associés aux sons : http://www.coquelicot.asso.fr/borel/).

Le psychomotricien va proposer à S de communiquer autrement pour lui donner envie de s'ouvrir aux autres. En se servant de la danse par exemple, S pourra même rejoindre un groupe d'expression corporel dans lequel tous les enfants vont communiquer par le corps.

Pour ce qui est de l'écriture, l'orthophoniste va apprendre à son patient à tracer correctement les lettres ou les chiffres.

Le psychomotricien va axer la prise en charge sur :

  • L'orientation et l'organisation spatiale : comment écrire une lettre correctement si l'on ne distingue pas le haut du bas, la gauche de la droite...? Le psychomotricien va proposer des parcours où l'enfant va devoir passer sur, entre, dans, sous, à gauche, à droite... la première étape de l'orientation spatiale étant de s'orienter soi-même avant d'orienter des objets et enfin des lettres.
  • Les praxies (gestes) : comment faire des tellement précis et rapides nous permettant d'écrire si l'on ne maîtrise pas des mouvements plus amples? Le psychomotricien va faciliter ces mouvements par des jeux d'agilité,...
  • Le plaisir de laisser une trace : cause ou effet, certains patients font un blocage sur l'écriture et refusent toute activité s'en approchant (dessin, peinture...) il va donc falloir trouver la médiation qui va amener notre patient à aimer (ou à ne plus détester) cela. le modelage fonctionne plutôt bien... Pour ma part, travaillant à côté d'une plage j'emmène souvent mes patients dessiner sur le sable et cela fonctionne très bien! Evidemment, tous les psychomotriciens n'ont pas de plage à proximité de leur structure ou de leur cabinet mais l'important est de souligner le plaisir de laisser sa trace lorsque le support change. Parfois, enlever la feuille A4 trop scolaire pour une nappe en papier suffit.

L'ergothérapeute trouve le matériel qui s'adapte à son patient pour favoriser son autonomie dans l'environnement tandis que le psychomotricien permet à son patient de s'adapter dans son environnement malgré son handicap ou ses difficultés ou s'appuyant sur ses compétences.

Reprenons l'exemple du graphisme :

L'ergothérapeute va proposer un plan incliné, un outil scripteur (comprenez stylo) adapté... 

Le psychomotricien va travailler sur la régulation tonique (les muscles encore!) car bien souvent, une mauvaise écriture est due à des douleurs, dues à une mauvaise posture, due à... une mauvaise régulation tonique!

 

Voilà, j'espère que vous aurez compris que ces professions sont bien différentes mais surtout très complémentaires et parfois inséparables pour un suivi efficace de nos patients.

 

Je tiens tout de même à préciser que je ne prétends pas connaître les champs de compétences de mes collègues kinés, orthophonistes et ergothérapeutes en intégralité et vous invite à vous renseigner directement auprès de ces professionnels pour avoir de meilleures connaissances sur ces sujets.

Et surtout, j'invite les kinésithérapeutes, orthophonistes et ergothérapeutes à laisser des liens sur des sites présentant leurs compétences ou à commenter cet article pour compléter leurs actions.

 

En vous remerciant.

Et les psys alors?

On m'a reproché (à juste titre) de ne pas les avoir cités... Alors je complète cet article brièvement :

Les psychologues sont là pour vous écouter (ok ça dépend des influences freudiennes, lacaniennes et j'en passe mais 3 ans d'études de psychologie n'ont pas suffit pour toutes les enseigner donc je vous laisserai vous renseigner dans des livres ou des sites plus spécialisé).

Mais qu'en est-il lorsque le patient ne peut s'exprimer verbalement de par son âge ou sa pathologie? Qu'en est-il de ceux pour qui "voir un psy" signifie "être fou" ? 

Pour la première catégorie, nous sommes mieux placés car sensibilisés à une autre communication; pour la seconde nous pouvons servir de médiateur, tremplin, intermédiaire... Bref, nous faisons moins peur et pouvons passer le relais vers un psychologue en "douceur".

Et bien sûr, ces deux professions sont également complémentaires : si l'on reprend le cas de Mr H et de son AVC, cet accident entraîne dans de nombreux cas un syndrome dépressif. Un suivi psychologique s'impose donc en plus des rééducations paramédicales.

 

J'espère que mes amis et collègues psychologues pardonneront mon "oubli".

 

Merci à ceux qui me l'on fait remarquer.



02/07/2015
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 56 autres membres